Inutile de préciser que cette annonce par haut-parleur est complètement farfelue. Si nous n’étions pas en février, on croirait à un poisson d’avril. Et pourtant… Pourtant elle aurait (presque) failli être une réalité. C’est du moins ce que nous avons appris en fouillant les archives.
Dès août 1838, un mémoire publié à PARIS évoquait un projet de chemin de fer entre NEVERS et CLERMONT et passant par MOULINS. Cette première ligne ferroviaire de l’Allier fut achevée en 1865. Le parcours MONTLUCON-BOURGES par VALLON était ouvert en 1861 et COMMENTRY-CLERMONT en 1871. Peu à peu, les grandes compagnies privées PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) et PO (Paris-Orléans) complétèrent ce réseau en construisant de nouvelles lignes. Tant et si bien que par la loi du 11 septembre 1885, l’État décida de ne plus s’engager dans d’autres réalisations. Le département de l’Allier prit donc le relais et ce fut le début d’un réseau d’intérêt local, les Chemins de Fer Départementaux, appelés également Chemins de Fer Économiques.
Successivement s’ouvrirent les lignes MOULINS-COSNE, SANCOINS-LAPEYROUSE, VARENNES-MONTVICQ, COMMENTRY-MARCILLAT, CHANTELLE-EBREUIL, VARENNES-LE DONJON etc. Au total, 347 km de lignes à voie étroite. Hélas, bien que qualifiés « économiques », ces chemins de fer ne l’étaient pas du tout pour les finances du département. En effet, le Conseil général s’était bien imprudemment engagé à garantir auprès du concessionnaire d’éventuels déficits d’exploitation. 0r, avec le développement rapide de l’automobile, du transport par camion et surtout la mise en place de lignes d’autocars beaucoup plus souples car pouvant desservir les plus petites communes, les lignes départementales se sont vite avérées peu rentables et le budget du Conseil général contraint de supporter des dépenses de plus en plus lourdes. Il fallut bien en tirer les conséquences. Dès 1920, décision fut prise de ne plus construire de nouvelles lignes. Puis, le 17 septembre 1924 la ligne COMMENTRY-MARCILLAT fut déclassée. Peu à peu, les autres suivirent le même sort. La dernière à résister fut celle de MOULINS à COSNE. En effet, c’est le 30 juin 1950, il y a un demi-siècle, que le dernier convoi faisait un ultime arrêt en gare de COSNE. Le « Tacot » avait vécu.
Que de souvenirs pour ceux qui l’ont utilisé, ceux qui l’ont seulement vu passer ou enfin ceux qui, tout au bout de l’avenue de la gare à COSNE, apercevaient les importants ateliers de réparations. On mettait deux heures dix pour aller de COSNE à MOULINS et on avait donc bien le temps d’admirer le paysage. En hiver, on bavardait avec ses voisins tout autour du poêle à charbon installé au centre du wagon. Celui-ci était souvent encombré par les paniers des fermières allant au marché vendre poulets, œufs ou mottes de beurre. Parfois, bien sûr, les voyageurs étaient priés de descendre afin de pousser un peu dans une côte pénible ou même pour remettre sur rails un wagon un tantinet capricieux. Ces situations n’étonnaient personne. Au contraire, chacun faisait preuve de patience et de bonne humeur : les gens stressés n’existaient pas !!!
Et le TGV en gare de LOUROUX ? Et bien voilà. En 1896, l’Assemblée départementale adopta un vœu émis par le Conseiller général du canton et prévoyant la construction d’une ligne COSNE-VALLON. Les choses ne progressèrent pas vite et il fallut attendre 1906 pour la mise à l’étude. Enfin, l’avant-projet était approuvé le 13 août 1910. Il était prévu que HERISSON et LOUROUX seraient desservis par une gare située à proximité du Chat-Pendu. Après appel d’offres, la concession était accordée le 22 août 1912 à l’entreprise MERCIER (très riche, ce dernier fit construire plus tard à ses frais les sanas de Tronget et de Rocles ). Malgré les sollicitations pressantes du Conseiller général et des maires concernés (à Louroux, successivement Jean COURTIAL et Antoine LAMARQUE) les travaux tardent à démarrer car la déclaration d’utilité publique n’a pas encore été publiée. Tant et si bien que, lorsque le 1er août 1914, l’ordre de mobilisation est affiché à la porte de toutes les mairies, les hommes partent pour le front, laissant les femmes, les enfants et les personnes âgées effectuer les gros travaux d’été.
Au cours des années terribles qui suivirent, il y eut, vous vous en doutez, des préoccupations autrement plus importantes que de poser des rails entre COSNE et VALLON. Il fallut donc attendre septembre 1919 pour que les élus départementaux rouvrent le dossier. Malheureusement, ils décidèrent de retarder le projet. Un projet qui, finalement, fut définitivement abandonné en mai 1920.
Dommage pour Ernest CHAUCHARD et Etienne BRETON, deux anciens Lourousiens qui ont longtemps travaillé à l’entretien du « Tacot » dans les ateliers de COSNE. Dommage aussi pour Jean-Michel MICHAUD qui, le veinard, n’aurait guère eu de trajet à accomplir pour se rendre à son travail.
Dommage surtout pour vous, puisque vous aurez seulement failli prendre le TGV de 18 h 37 en gare de LOUROUX.