Bien court ce mandat puisqu’il n’aura guère duré plus de deux ans et demi. La loi électorale aurait-elle changé ? Pas du tout mais un événement local allait abréger la mission des conseillers élus lors des scrutins des 6 et 13 mai 1900. Comme lors des élections précédentes, on s’aperçoit, à l’issue du dépouillement, que les électeurs avaient fait confiance à des candidats issus des deux listes en présence. Dix conseillers furent réélus : Félix de COLLASSON, Marien LACHAUD, Pierre GORBINET, François HERAUD, Denis AUCLAIR, Gilbert VILLATTE, Antoine COURTIAL , Jean COURTIAL, Jean-Baptiste HERAUD et Jean DERIOT. Seuls donc, Jean MOREAU de VILLEVANDRE (13) et Gilbert PIOT (14) siègent pour la première fois dans la nouvelle assemblée qui se réunit le 20 mai 1900 à 11 heures 30 afin de procéder au choix du maire et de l’adjoint. Il semble que le rapport de forces entre les deux camps n’avait pas été sensiblement modifié. En tout cas, l’opposition ne jugea pas opportun de compter ses voix et, en conséquence, elle ne présenta pas de candidat. Par contre, elle refusa de voter en faveur du maire sortant, candidat logique de la majorité. Sur 12 votants, Félix de COLLASSON obtint donc 8 voix et il y eut 4 bulletins blancs. Un scénario identique se répéta évidemment pour l’élection de l’adjoint et Jean-Baptiste HERAUD se vit, lui aussi, reconduit dans ses fonctions.
A noter que deux conseillers n’iront pas au terme de ce mandat pourtant bien court. Marien LACHAUD a siégé pour la dernière fois le 17 février 1901 avant de décéder le 17 octobre suivant. Denis AUCLAIR apparaît pour la dernière fois sur le registre des délibérations lors de la séance du 15 septembre 1901 mais il est impossible de déterminer s’il a démissionné ou s’il a quitté la commune. Tout à la fin du mandat, à la dernière séance particulièrement tumultueuse du 30 novembre 1902 qui sera évoquée plus loin, Marien LACHAUD et Denis AUCLAIR furent remplacés par Jean GORBINET (15) et Antoine LAMARQUE (16) sans que l’on puisse trouver trace de la date exacte de leur élection.
Parmi les nouveaux conseillers, Jean MOREAU de VILLEVANDRE dut donner entière satisfaction à ses électeurs puisque, par la suite, il sera réélu sans problème à chaque renouvellement du Conseil Municipal et cela jusqu’à son décès, en son domicile de La Grelière, le 9 mai 1939, à l’âge de 72 ans. A noter que lors de son dernier mandat, il fut élu adjoint le 18 mai 1935, le maire étant alors Jean MATHE. Autre particularité, il figure sur le registre des délibérations, tantôt sous le nom de Jean MOREAU de VILLEVANDRE, tantôt tout simplement sous le nom de Jean MOREAU. Or, il était né à Chazemais, le 25 mars 1867, fils naturel de Louise MOREAU et, à Chazemais, il existe un village qui s’appelle VILLEVANDRE. Est-ce là un début d’explication ?
En 1900, le mois de juillet voit tout à la fois l’ouverture des Jeux Olympiques à PARIS et l’inauguration de la 1ère ligne de métro entre la Porte Maillot et la Porte de Vincennes. En 1901, c’est le vote de la fameuse Loi sur les Associations. A MARSEILLE, suite à un accident, le maire signe un arrêté limitant la vitesse des automobiles à 10 km/h !!
L’Américain GILLETTE invente le rasoir à lame rechargeable alors que l’Italien MARCONI parvient à envoyer un message en morse d’Europe en Amérique. En 1902, catastrophe à la MARTINIQUE : l’éruption du volcan la Montagne Pelée détruit entièrement la capitale, SAINT-PIERRE, faisant 40 000 morts et un unique survivant, un détenu de la prison. Marcel Renault construit le 1er moteur à 4 cylindres et remporte ainsi la course PARIS-VIENNE, couvrant les 1 441 km en 29 heures.
A LOUROUX, nos chemins ne voient pas encore passer de tels bolides. La circulation y est beaucoup plus calme. Même les élus prennent leur temps. Mais on comprendra aisément qu’en à peine deux ans et demi de mandat, ils n’ont guère la possibilité de mener à terme des projets ambitieux. Ce qui ne signifie nullement d’ailleurs qu’ils restèrent inactifs. C’est à eux en particulier que l’on doit l’actuelle route de MAILLET, du moins dans son tracé car pour ce qui est du goudronnage, il faudra bien avoir la patience d’attendre quelques dizaines d’années. Le conseil au demandé au Préfet de l’Allier de lancer une enquête de commodo et d’incommodo. Ce qui fut fait par arrêté préfectoral du 6 août 1900 en désignant Monsieur REGRAIN, maire de GIVARLAIS, en qualité de commissaire-enquêteur. A l’issue de l’enquête qui eut lieu les 19, 20 et 21 octobre, Monsieur REGRAIN a conclu à l’utilité du projet, et constatant qu’aucune réclamation n’avait été formulée, il a émis un avis favorable. Aussi, sans plus tarder, le 28 octobre, le conseil s’est réuni afin d’adopter définitivement le projet. Il a considéré que l’évaluation de la valeur des terrains avait été faite équitablement. La dépense totale était estimée à 11 642,85 FF dont 1 942,85 FF uniquement pour l’acquisition des terrains nécessaires auprès de divers propriétaires.
Un grand pas venait d’être accompli si l’on songe que l’idée de construire un chemin neuf pour relier LOUROUX et MAILLET, en desservant au passage le village de la Palisse, avait été émise pour la 1ère fois le 27 mai 1894. Il faudra encore bien des discussions, bien des réunions et même un procès en justice avant d’aboutir à la mise en service seulement en 1913. Nous aurons donc l’occasion de revenir sur cette question qui, à l’époque fit couler beaucoup d’encre… et de salive…
Pour le reste, le conseil n’eut pas à prendre de grandes décisions. C’est donc seulement pour l’anecdote que nous relevons que Lucien METENIER, sabotier au Bourg, et François JAMET, maçon aux Georgons, tous deux de la classe 1894, ont reçu un avis favorable afin d’être exemptés de la période d’exercices militaires de 28 jours qu’ils devaient accomplir. Notons également que, suite à la catastrophe de la Martinique que nous avons évoquée, notre conseil municipal a tenu à manifester sa solidarité en votant une subvention de 10 FF pour venir en aide aux sinistrés (délibération du 28 mai 1902).
Et puis, nous en arrivons à cette séance très agitée et qui causa bien des remous à LOUROUX, celle du dimanche 30 novembre à midi. Première constatation, disons même première curiosité : la convocation a été faite le 26 novembre et elle a été envoyée par l’adjoint Jean-Baptiste HERAUD avec cette précision qui précède sa signature : « pour le maire démissionnaire ».
L’ordre du jour ne comporte qu’un seul point : la nomination de deux délégués sénatoriaux titulaires et d’un suppléant. Or, le 30 novembre, pas un seul absent, tous les conseillers sont bien là, y compris le maire démissionnaire ! Etrange. C’est bien entendu l’adjoint Heraud qui préside et qui fait procéder au scrutin. Chaque conseiller est invité à inscrire deux noms sur un bulletin. Il y a 12 votants et la majorité absolue est donc de 7. Le dépouillement donne les résultats suivants : Pierre GORBINET : 6 voix, Gilbert VILLATE : 6 voix, Félix de COLLASSON : 6 voix, Jean-Baptiste HERAUD : 6 voix. Il y a donc ballottage et le conseil apparaît bien divisé en deux « blocs » de force égale. On procède aussitôt au deuxième tour. Chacun, bien évidemment, campe sur ses positions et le vote donne un résultat identique, ce qui entraîne un troisième tour de scrutin. Et là, la règle change et ce troisième tour sera forcément le dernier. Pour être élu, plus besoin d’obtenir la majorité absolue, soit 7 voix. Il suffit simplement d’avoir plus de voix que les autres : c’est la majorité relative. Oui, direz-vous, mais s’il y a encore égalité ? Pas de problème, la loi a tout prévu, c’est le plus âgé qui est élu ! Alors, inutile de faire un dessin, chaque parti va voter pour ses deux « aînés » . En fait, ce serait encore trop simple comme ça et la loi est encore plus vicieuse. Elle dit (et c’est encore vrai de nos jours) que pour être élu délégué sénatorial, tout citoyen doit être inscrit sur la liste électorale de la commune. Alors pour avoir une vraie chance, il ne suffit pas d’être un « vieux conseiller », il est encore mieux d’être un « vieil habitant ».
Vous vous doutez aisément de ce que va donner, dans ces conditions, le troisième tour de scrutin. Quatre nouveaux noms apparaissent sur les bulletins et ils ne font évidemment pas partie du conseil municipal. Gilbert VAILLOT, Armand RENOUX, Gilbert AURICHE et Antoine AURICHE obtiennent chacun 6 voix. Il faut donc faire intervenir le bénéfice de l’âge. A ce petit jeu, ce sont Gilbert AURICHE et Gilbert VAILLOT qui sont proclamés élus. Le premier est né le 26 juin 1822 et le second le 25 mars 1824. Ils ont donc respectivement 80 et 78 ans !!! Si par hasard Gérard DERIOT venait à lire ces lignes, il aurait, je pense, assez d’humour pour me pardonner d’écrire que nos deux délégués lourousiens avaient vraiment l’âge idéal pour élire un sénateur.
Bien entendu, le même processus s’est déroulé pour l’élection du délégué suppléant. Antoine AURICHE est sorti vainqueur au troisième tour. Il faut dire que, né le 13 septembre 1824, il avait seulement raté de quelques mois l’élection en qualité de titulaire.
Gilbert AURICHE n’a pas profité bien longtemps de cette gloire aussi tardive qu’inattendue. Est-ce le voyage à Moulins pour l’élection sénatoriale qui l’a beaucoup fatigué ? Toujours est–il qu’à peine quatre mois plus tard, le 28 mars 1903, il décédait à son domicile au Ruisseau. Les deux autres élus ont « résisté » un peu plus longtemps. Armand RENOUX est décédé au Bourg le 24 juillet 1905, précédant de quelques jours seulement Gilbert VAILLOT mort le 6 août aux Georgeons.
Inutile de dire qu’au soir de cette séance mémorable, la confusion était grande. L’assemblée était plus que jamais profondément divisée et surtout, la commune n’avait plus de maire !!! Heureusement, ce dernier point allait être résolu dès le 7 décembre 1902, début du 3e mandat.